J’ai cru comprendre que certains potiers se posaient des questions quant à la toxicité du cuivre, et notamment par son utilisation dans les céramiques à usage alimentaire. Donc même si le cuivre est un des oligo-éléments essentiels à la vie, le fait que la question soit posée mérite qu’on s’y penche.
Etant moi-même utilisatrice d’oxydes de cuivre, j’ai donc décidé de mener quelques recherches. Celles-ci m’ont permis de comprendre qu’il convient d’aborder le sujet sous deux angles, à savoir d’une part du point de vue de la fabrication et d’autre part du point de vue du produit fini.
1 – La fabrication – le céramiste
Même s’il est vital pour l’homme, une exposition trop importante au cuivre peut effectivement s’avérer toxique ; il n’échappe donc pas au postulat de Paracelse, le père de la toxicologie : « Tout est poison, rien n’est sans poison, ce qui fait le poison c’est la dose ».
Fort heureusement pour mes recherches, il se trouve que Jorge Fernandez Chiti (auteur d’une quarantaine d’ouvrages consacrés à la céramique), dans son Manuel de Toxicologie Céramique (1)expose en détail tous les aspects propres à l’utilisation du cuivre dans la céramique.
Il y explique que ni le cuivre métallique moulu (colloïdal), ni ses oxydes noir ou rouge n’ont d’activités toxiques connues, mais révèle en revanche que c’est le mélange d’oxyde de plomb avec de l’oxyde de cuivre qui est une « bombe mortelle » ; car le cuivre agit dans l’émail comme solubilisant du plomb, le rendant plus soluble au contact des aliments.
Par ailleurs il explique que la dangerosité réside surtout dans la manipulation à l’état de poudre, (pour les poumons), tout comme pour d’autres poudres telles que la silice, etc… Et il convient au potier de prendre toutes les mesures de protections nécessaires (masque, gants) afin de minimiser au maximum l’exposition. Cela vaut aussi bien dans l’usage de sels de cuivre (carbonate, sulfates, acétate) dissolus dans l’eau au contact avec la peau.
Avertissons que l’on doit bien différencier l’oxyde de cuivre qui n’est pas soluble dans l’eau, des sels de cuivre qui sont solubles et par conséquent plus à même de se diffuser dans l’organisme. Inhaler des sels de cuivre peut être cause de cancer et de dommages hépatiques, et il est fortement déconseillé de les pulvériser.
Au cours de la cuisson, les volatilisations de sels de cuivre peuvent être dangereuses au-dessus de 800°C, car celles-ci elles peuvent se révéler irritantes et caustiques pour les bronches si elles sont inhalées.
Dans le cas du Raku, les vapeurs de sels de cuivre se mélangent à la fumée et forment un toxique cancérigène.
2 – L’utilisation – le client
Après avoir vu précédemment qu’il fallait prendre des précautions pour la manipulation du cuivre sous les formes de poudre, liquide (sels dissous) ou vapeur (lors de la cuisson), quid de la forme solide après cuisson ? Hormis la combinaison cuivre-plomb évoquée plus haut, aucune trace d’une éventuelle toxicité du cuivre dans cet état.
Ce qui n’est pas très surprenant dans l’absolu, car à bien y réfléchir le cuivre est employé aussi bien dans les batteries de casseroles et ustensiles des cuisiniers, les bassines en cuivre pour les confitures de nos grand-mères, la chaudronnerie des brasseurs de bières, les différents alambics de tout poil et bien évidemment, la plomberie domestique dans tous les foyers de France et de Navarre…
Histoire d’être vraiment sûre de l’innocuité du cuivre dans le produit fini, j’ai donc décidé d’aller au-delà du bon sens et de regarder ce qui en est au niveau du cadre légal. Ce que j’ai trouvé sur le site de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) (2) est parfaitement clair et ne laisse aucun doute à ce sujet : la Directive européenne n°2005/31/CE du 29 avril 2005 (3) prévoit une surveillance stricte des quantités de plomb et de cadmium dans les céramiques susceptibles de migrer dans les aliments, mais pas un mot à propos du cuivre. Et sans surprise donc, il n’est pas plus question de mesures concernant le cuivre dans les céramiques dans la bibliothèque thématique du LNE (Laboratoire National d’Essais) dédiée aux contacts alimentaires (4).
La question semble donc parfaitement levée : amis et confrères potiers et céramistes, si vous utilisez du cuivre sous quelque forme que ce soit, prenez les précautions d’usage (gants, masque, ventilation) afin de ne pas vous surexposer inutilement.
Mais pour ce qui est de la santé de vos clients soyez rassurés, ils ne risquent absolument rien ! A moins que vous n’utilisiez des émaux au plomb pour des céramiques alimentaires, bien sûr.
références :
(1) https://www.libreriahernandez.com/l/toxicos-ceramicos/35001/9879697669
(2) https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Fiche-generale-relative-a-la-reglementation-des-ma
(3) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:01984L0500-20050520&qid=1405605605748&from=FR
(4) http://www.contactalimentaire.com/index.php?id=520